La crise économique actuelle est sans conteste d'une ampleur telle qu'il faut remonter à la crise de 29 pour en trouver l'équivalent. Cette réflexion guide l'action des gouvernements qui tachent de ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs: laisser la défiance s'installer, laisser la demande effective s'écrouler, laisser la masse monétaire se retracter et le système bancaire se bloquer faute de liquidités. C'est le film très clair des derniers mois, et nous en verrons les résultats immédiats dans les mois qui viennent. Comme à la roulette, la boule tourne encore et ne s'est pas encore arrêtée. Pour ceux qui pensent que la fin de crise est en vue, l'éditorial lucide de The Economist cette semaine. http://www.economist.com/opinion/displaystory.cfm?story_id=13527685.
Mais quelles sont les autres grandes leçons de la crise de 1929?Quelques idées (parmi d'autres, à suggérer):
- la crise n'a pas arrêté le progrès des techniques. Le transport aérien a continué de se développer, malgré telle ou telle faillite. La radio a pris son essor. Le cinéma ne s'est pas arrêté de parler (et ces années, comme toutes années de crise, guerres comprises, ont été des années florissantes pour les industries de divertissement). Application 2009: l'Internet et les technologies nomade vont continuer sur leur lancée. La composante technique qui a permis la mondialisation ne va pas s'affaiblir.
- certains pays ne se sont pas remis de la crise de 1929. On pense à l'Argentine d'alors, peut-être à la Chine. Les déséquilibres économiques et sociaux ont entraîner des changements politiques et sociaux pratiquement irréversibles - notamment faute d'avoir développer un marché intérieur et une bourgeoisie autocentrée (pour reprendre un mot qui n'est plus guère à la mode!).
- la crise a détruit des démocraties et favorisé le fascisme sous toutes ses formes. On peut même argumenter en faveur d'une république de Weimar qui se serait défendu contre ses ennemis de l'intérieur sans l'effondrement économique. La situation actuelle des pays d'Europe Centrale et Orientale peut inquiéter sur ce plan.
- la crise a permis le triomphe complet de doctrines anti-libérales, et la mise en place de politiques centrées autour de l'Etat. Les penseurs libéraux se sont retrouvés durablement sur les marges, avant que quelques prophétes n'élèvent leur voix dans le désert de l'après guerre (B de Jouvenel, Du Pouvoir, 1945; Hayek, the Road to serfdom, 1944; Friedman, Capitalism and Freedom, 1962).
- la crise a vu le triomphe de l'intervention de l'Etat, et de manière générale, le renforcement des grandes organisations, étatiques, partis politiques, syndicats de masses, grandes entreprises. La sortie de crise apparemment plus rapide des économies dirigées et collectivistes (URSS, Allemagne nazie, Italie) avait accru encore la légitimité de cette démarche, ringardisant un peu plus le libéralisme classique.
L'intervention de l'Etat se comprend en 2009, comme aujourd'hui, en raison de sa triple fonction monétaire, régalienne (de regulation) et budgétaire (de façon à agir sur la demande). On peut avoir plus de doutes sur le retour en grace des grandes organisations.
Mais attention tout de même à l'erreur de perspective: ces évolutions n'ont pas été déterminées par la crise, qui les a surtout amplifiées. Le rôle renforcé de l'Etat vient de la Première guerre mondiale, le renforcement des grandes entreprises de l'évolution des techniques ("fordisme") tout comme sa contrepartie syndicale et politique. La crise de 1929 a été un moment particulièrement critique de l'émergence de la société industrielle productiviste moderne, fondée sur la consommation de masse, actionnée par la publicité et permise par les (relativement ) hauts salaires (complétée par le Welfare state en Europe tout du moins).
C'est la crise de croissance de ce système et sa réforme interne qui sous-tend la crise de 29 et explique la profondeur des changements qu'elle parait engendrer et qu'elle ne fait que consacrer.
La vraie question est donc de savoir si la crise actuelle est elle aussi une crise structurelle: une crise dont les causes s'enracine dans les ressorts profonds de nos sociétés et dont la sortie ne se fera que par une modification réelle d'une partie des élements qui l'ont provoquée. Si ce n'est pas le cas, le déluge n'aura été qu'un mauvais typhon, un peu plus fort que les autres: laissant le paysage désolé mais fondamentalement inchangé.
Tout le reste n'est que paroles verbales et wishful thinking...
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Paysage (provisoirement)désolé et fondamentalement inchangé... cette fois-là.
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