Quand on parle de développement durable, les vrais croyants entonnent un refrain différent: celui de la nécessaire décroissance. Il ne s'agit pas de croître autrement, mais bien d'adopter un nouveau mode de vie, et de privilégier les contraintes écologiques, quitte à y sacrifier notre richesse, notre confort et nos belles habitudes. C'est un peu ce que le porno est à l'érotisme: la seule approche vraiment conséquente. Je ne suis pas sûr d'aimer
Mais il faut savoir prendre sur soi, tel est la devise des Notes du Déluge. Et à bien réfléchir, la décroissance n'est peut-être pas si terrible. Je me place à ce stade sous les auspices du sage Berlusconi qui a fait remarquer à ses concitoyens au début de la crise qu'un déclin du PIB de 2% les ramènerait à leur niveau de richesse de 2006 - et étaient-ils si malheureux en 2006? La lente amélioration du pouvoir d'achat, qui s'est prolongé depuis des décennies jusqu'à marquer un petit temps d'arrêt en 2008 nous a-t-elle rendu plus heureux pur autant? N'avons nous pas (en France surtout) le sentiment de régresser et d'avoir une vie plus difficile que celle de nos parents? Ah! le bonheur de vivre dans un univers sépia, de rouler en DS tout en lisant Tintin... Bien sûr, cette approche est complètement erroné: elle idéalise le passé, elle minimise l'énorme chemin parcouru grâce à cette amélioration continue, et (dans une certaine mesure sur laquelle il faudra revenir) elle fait fi de la progression des classes les plus défavorisées. En France en tout cas, cette nostalgie se colore d'un ruralisme rêvé, celui de nos grand-mères et de leurs petits plats.
Il y a tout de même un élément de vérité: la planète s'est considérablement appauvrie depuis 15 ou 20 ans, à mesure qu'elle s'est enrichie. Depuis 1990, c'est à dire grosso modo l'irruption du monde chinois, les ressources naturelles ont disparues ou se sont "dénaturalisées" - c'est l'ère du saumon d'élevage et de l'aventure en resort. La nostalgie domine, comme dans le roman The Beach, on rêve désespérément de la prochaine plage infoulée, de l'aventure impossible. C'est l'un des ressorts cachés de la doctrine de la décroissance: préserver pour nous, en tant qu' élite présente, la richesse du monde, la mettre à l'abri de l'invasion des masses extérieures. Nous pouvons accepter de renoncer à ce que nous avons connu, même si cela signifie en priver ce qui ne le connaîtrons donc jamais. A notre niveau de satiété relative, nous priver un peu n'est pas trop grave: c'est un peu comme faire boire du bouillon un lendemain de fêtes.On peut aller plus loin: faire un régime ne peut pas nous faire de mal: chasser les gaspillages, devenir plus sobres, plus efficaces, faire du sport: ce sont des promesses d'alcoolique repenti vertes, mais qui aident à se tenir en forme, et sans doute, à mieux vieillir. Ces réflexions sont celles d'un monde vieux, d'une civilisation qui a la gueule de bois, dominés par les baby boomers épuisés d'avoir tant vécu. On va combiner une bonne hygiène de vie, et des adjuvants technologiques. La science va venir à notre secours! Qui peut décrier la voiture électrique si on ne voit pas vraiment la différence?Sous cet angle, les discussions oiseuses sur la mesure du bonheur prennent un sens nouveau. On comprend (un peu) mieux l'idée que consommer différemment, produire plus efficacement, investir pour préserver et non modifier puissent être comptabiliser au même titre que les activités classiques, voire mieux considéré.
Mais ce n'est pas vraiment de cela qu'il s'agit! Ne soyons pas naïfs, les parangons de la décroissance ne recherchent pas une adaptation, mais une révolution, avec une idéologie d'inspiration apocalyptique. Ce dont il s'agit, ce n'est pas de rouler en voiture électrique, mais de moins se déplacer, de se replier sur une vie rêvé, en expiant nos péchés! C'est le nouveau sanglot de l'homme blanc, la repentance pour ces mondes gâches, avec une bonne dose de refoulement à l'égard de notre civilisation hédoniste et jouisseuse. C'est le retour du bon vieux pasteur Malthus!
mardi 29 septembre 2009
samedi 26 septembre 2009
The shop round the corner
Le G20 s'est accordé sur les bonus des banquiers. On en a beaucoup parlé, ici et ailleurs, et il y a fort à parier que cela ne va pas s'arrêter. Les Notes du Déluge sont prêtes à reconnaître avoir été excessivement pessimistes ou cyniques sur le sujet. Il me semble pourtant que le pari reste ouvert car l'application de ces résolutions sera intéressante à observer.
Mais le vrai problème n'est pas là: il ne s'est agit que des banques, alors que l'on voit déjà se dessiner l'émergence de structures plus souples, des boutiques qui vont se glisser dans les interstices de la réglementation, et où sont en train de se réfugier les entrepreneurs de la finance. La mentalité 1815 règne toujours au coin de la rue...
Comme je l'ai déjà dit, la finance est une industrie de main d'oeuvre et il est inévitable que ceux qui y travaillent prennent une part déterminante des marges dégagées. C'est l'évolution de ces marges et du volume global de l'activité financière qui sera déterminante. En clair: persistance ou non du surendettement, des niveaux de "leverage" absurde, et de la capacité des banques à alimenter toutes ces boutiques, equity ou hedge fund qui vont se remettre à pulluler. Plus fondamentalement encore persistance ou non de ces méga déséquilibre épargne / dette que nous avons vu s'accentuer depuis 20 ans.
Mais le vrai problème n'est pas là: il ne s'est agit que des banques, alors que l'on voit déjà se dessiner l'émergence de structures plus souples, des boutiques qui vont se glisser dans les interstices de la réglementation, et où sont en train de se réfugier les entrepreneurs de la finance. La mentalité 1815 règne toujours au coin de la rue...
Comme je l'ai déjà dit, la finance est une industrie de main d'oeuvre et il est inévitable que ceux qui y travaillent prennent une part déterminante des marges dégagées. C'est l'évolution de ces marges et du volume global de l'activité financière qui sera déterminante. En clair: persistance ou non du surendettement, des niveaux de "leverage" absurde, et de la capacité des banques à alimenter toutes ces boutiques, equity ou hedge fund qui vont se remettre à pulluler. Plus fondamentalement encore persistance ou non de ces méga déséquilibre épargne / dette que nous avons vu s'accentuer depuis 20 ans.
Public mais cher
Le débat public est comme l'espace: un peu de matière et de lumière, beaucoup de vide, de trous noirs, d'antimatière et de matière sombre. Le débat sur l'écologie, tout ce qui se dit aujourd'hui autour de la gestion des ressources rares l'illustre bien.
En France tout du moins, il y un lien fort entre chose publique et gratuité. L'école si elle est publique ne peut être que gratuite, en plus d'être laïque et obligatoire... La notion clé est celle de "service public", sans distinction entre ce qui relève du bien commun et de ce que les anglo-saxons appellent les "utilities".
Mais d'autre part, un consensus est en train de se construire sur la nécessité de préserver les ressources communes. Mais ce qui est rare ne peut être gratuit! On est en train de se rendre compte que ce qui est public, c'est à dire commun, appartenant à tous, doit être fermé, d'un accès de plus en plus limité. Ne pas en avoir conscience, c'est s'exposer à ce qu'on appelle en anglais "tragedy of the commons", la surexploitation et le sous entretien des ressources partagées. Chacun se sert, puisque c'est gratuit et que personne n'est responsable en particulier.
Il y a historiquement trois approches qui ont réduit le gaspillage suicidaire qui s'en suit:
- l'existence de règles coutumières partagées s'imposant à tous, posant des tabous d'usage
- l'imposition de règles autoritaires par une puissance externe
- la monétisation de l'accès, par l'établissement de droits de propriété, ou la privatisation des espaces communs.
La discussion va tourner autour des mérites respectifs de ces approches. Mais l'ére de la gratuité du public s'achève!
En France tout du moins, il y un lien fort entre chose publique et gratuité. L'école si elle est publique ne peut être que gratuite, en plus d'être laïque et obligatoire... La notion clé est celle de "service public", sans distinction entre ce qui relève du bien commun et de ce que les anglo-saxons appellent les "utilities".
Mais d'autre part, un consensus est en train de se construire sur la nécessité de préserver les ressources communes. Mais ce qui est rare ne peut être gratuit! On est en train de se rendre compte que ce qui est public, c'est à dire commun, appartenant à tous, doit être fermé, d'un accès de plus en plus limité. Ne pas en avoir conscience, c'est s'exposer à ce qu'on appelle en anglais "tragedy of the commons", la surexploitation et le sous entretien des ressources partagées. Chacun se sert, puisque c'est gratuit et que personne n'est responsable en particulier.
Il y a historiquement trois approches qui ont réduit le gaspillage suicidaire qui s'en suit:
- l'existence de règles coutumières partagées s'imposant à tous, posant des tabous d'usage
- l'imposition de règles autoritaires par une puissance externe
- la monétisation de l'accès, par l'établissement de droits de propriété, ou la privatisation des espaces communs.
La discussion va tourner autour des mérites respectifs de ces approches. Mais l'ére de la gratuité du public s'achève!
lundi 14 septembre 2009
Le bonheur une idee neuve en Europe?
Le bonheur est une idée neuve depuis 200 ans; elle semble le rester si l'on en croit le barouf médiatique autour du rapport Stiglitz-Sen. On a l'air de se rendre compte que les mesures classiques de la Comptabilité Nationale ne capturent pas tout du bien être des populations, - bien sûr!- Nicolas va se battre pour que cela change.
S'il s'agit de constater que le seul PIB est réducteur, et qu'après tout "l'argent ne fait pas le bonheur", il n'était peut-être pas nécessaire de convoquer 2 Prix Nobel et autres sommités à la Sorbonne.
J'aurais plutôt envie de me lancer dans un exercice de méta analyse:
tout d'abord il est piquant de constater que les critiques contemporaines faites au PIB sont vieilles... comme le concept lui-même. C'est une figure proéminente du programme de Terminale, en utilisant les mêmes exemples (si l'on épouse sa bonne, on fait baisser le PIB) que lorsque l'auteur de ces lignes préparait son bac.... arguments eux mêmes développés par les contempteurs (plutôt conservateurs) des pionniers (plutôt progressistes) de la ComptaNat. C'est le vieux combat de l'axe luddo-malthusien contre les progressistes smitho-marxiens.
D'où la deuxième réflexion: pourquoi diable nous, Français, prenons tant de plaisir et de temps à fustiger nos vieilles idoles (car nous avons été pionniers dans ce domaine)? On voit mal comment le fait de ne pas prendre uniquement en compte le PIB changera quoi que ce soit dans l'ordre économique mondial. Il y a bien sur des aspects fondamentaux mal ou pas pris en compte: la distribution des revenus, et tout le domaines des externalités - le coût réel du risque et de la rareté, notamment des ressources non renouvelables. Mais si l'argent ne fait pas le bonheur, on dit qu'il y contribue: et les notions de pouvoir d'achat et de plein emploi, au coeur de la notion de richesse nationale, ne sont pas étrangères aux sensations de bien etre et de sécurité dont on suppose qu'elles ont quelque chose à voir avec le bonheur. On serait presque confus d'appeler le vieux Maslow à la rescousse!
C'est qu'il y a dans notre "cher et vieux pays", une rencontre intéressante entre le vieux fond catholique, gaulliste, spiritualiste et ennemi de l'argent, avec une problématique contemporaine, verte et fatiguée: la tentation de la décroissance, du gel, du ni-ni. Il faudra y revenir.
S'il s'agit de constater que le seul PIB est réducteur, et qu'après tout "l'argent ne fait pas le bonheur", il n'était peut-être pas nécessaire de convoquer 2 Prix Nobel et autres sommités à la Sorbonne.
J'aurais plutôt envie de me lancer dans un exercice de méta analyse:
tout d'abord il est piquant de constater que les critiques contemporaines faites au PIB sont vieilles... comme le concept lui-même. C'est une figure proéminente du programme de Terminale, en utilisant les mêmes exemples (si l'on épouse sa bonne, on fait baisser le PIB) que lorsque l'auteur de ces lignes préparait son bac.... arguments eux mêmes développés par les contempteurs (plutôt conservateurs) des pionniers (plutôt progressistes) de la ComptaNat. C'est le vieux combat de l'axe luddo-malthusien contre les progressistes smitho-marxiens.
D'où la deuxième réflexion: pourquoi diable nous, Français, prenons tant de plaisir et de temps à fustiger nos vieilles idoles (car nous avons été pionniers dans ce domaine)? On voit mal comment le fait de ne pas prendre uniquement en compte le PIB changera quoi que ce soit dans l'ordre économique mondial. Il y a bien sur des aspects fondamentaux mal ou pas pris en compte: la distribution des revenus, et tout le domaines des externalités - le coût réel du risque et de la rareté, notamment des ressources non renouvelables. Mais si l'argent ne fait pas le bonheur, on dit qu'il y contribue: et les notions de pouvoir d'achat et de plein emploi, au coeur de la notion de richesse nationale, ne sont pas étrangères aux sensations de bien etre et de sécurité dont on suppose qu'elles ont quelque chose à voir avec le bonheur. On serait presque confus d'appeler le vieux Maslow à la rescousse!
C'est qu'il y a dans notre "cher et vieux pays", une rencontre intéressante entre le vieux fond catholique, gaulliste, spiritualiste et ennemi de l'argent, avec une problématique contemporaine, verte et fatiguée: la tentation de la décroissance, du gel, du ni-ni. Il faudra y revenir.
Inscription à :
Articles (Atom)