dimanche 20 mars 2011

Keynes et les catastrophes

Lisant le bouquin de Skidelski, Keynes, the return of the Master. L'originalité fondatrice de Keynes serait la place centrale de l'incertitude, radicalement opposée au risque. Le risque est calculable, réductible à des probabilités, maîtrisable. L'incertitude ouvre des espaces inconnus, anxiogènes. Face à un avenir incertain, l'homme perd confiance, il prend des précautions inutiles, restreint son action. Du point de vue économique, il accroît son épargne, ce qui réduit la demande et l'investissement, justifiant ainsi son pessimisme dans une prophétie autoréalisatrice.
Le monde sous la lune est incertain. C'est pur hybris, prométhéenne, de croire le contraire - c'est pourtant ce qu'on tenté les financiers dans les années d'avant crise et qui leur est revenu à la figure sous l'espèce d'un black swan catastrophique. Le thème de la catastrophe, opposé à celui du risque, est évidemment un des thèmes majeurs de notre temps. La catastrophe, c'est le radicalement imprévisible, puisque le battement de l'aile d'un papillon suffit à la déclencher. C'est le radicalement incalculable puisque les effets sont incommensurables avec les causes. Il est d'ailleurs étonnant de voir à quel point cette thématique n'est prise en compte ni par les tenants des marchés efficients, s'ajustant en permanence, ni par les interventionnistes étatistes de tout poil: si la machine est d'une complexité telle qu'un rien la déséquilibre, comment accepter une intervention qui ne peut pas comprendre toute ses conséquences? mais comment imaginer que cette même machine puisse s'équilibrer en permanence?
En clair, nous ne sommes jamais à l'abri de la catastrophe. Il n'y a pas de Dieu grand horloger de l'univers (économique), ni de démon de Laplace. C'est ce côté nietzschéen, de penseur d'après la mort de Dieu qu'il faut redécouvrir chez Keynes, on y reviendra.

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