jeudi 19 novembre 2009

Coup de blues ou coup de boule?

La main de Thierry Henry est comme le nez de Cléopâtre, un de ces petits rien qui changent l'histoire, la fait dévier, prendre une direction qui n'aurait pas forcément été la seule. Au-delà de la polémique (et on note à nouveau l'impact des articles d'Attali dans slate.fr), ce sont les réactions qui sont intéressantes: on aurait pu entendre des voix ayant de l'autorité (ce qui n'est pas le cas du susdit Attali!) suggérer qu'il n'y a pas de beauté à gagner en enfreignant les règles du jeu. Et c'est précisément dans ces moments où l'attention d'une foultitude de gens est concentrée sur des choses finalement assez simples que les mentalités peuvent vraiment évoluer, qu'un discours ou une décision peuvent avoir un impact durable.

Je crois assez profondément à ce rôle éducatif des leaders en démocratie. Je ne met pas de morale là-dedans: je pense simplement que par leurs faits, leurs gestes, leurs discours, les leaders d'opinion, à commencer par le Président de la république, peuvent orienter les mentalités, pas seulement les subir. Par exemple, quand Domenech survit dans son job après tant d'échec et de demi-succès, comment peut s'attendre dans les entreprises à une culture de la performance. Quand un ancien Président accepte d'être hébergé par un milliardaire étranger, alors que son mentor (Pompidou) avait refusé d'acheter le sien pour qu'on ne puisse pas le soupçonner de bénéficier d'un prix de faveur, comment s'étonner que les combines se généralisent? Quand un Président (Mitterrand) était chanté pour son habileté (entendez son manque de rigueur et d'honnêteté intellectuelle), comment s'étonner d'une dégradation du sens des responsabilités et du courage des décideurs? De ce point de vue, l'acceptation de la cohabitation a constitué un tournant assez irréversible de la clarté politique indispensable à la démocratie: si les battus ne se retirent pas, c'est l'essence même de la démocratie qui s'étiole (cf post du 7 novembre). Et on comparera l'attitude de T. Henry avec celle de Zidane...
La marche du monde est sans doute plus subtile et les leaders subissent l'évolution des mentalités autant qu'ils la façonnent. Ils leur arrivent même de se trouver en décalage sans le comprendre: c'est ce qui est arrivé à Fouquet, semble-t-il (http://www.slate.fr/story/13243/de-jean-sarkozy-la-main-dhenry-le-syndrome-nicolas-fouquet): ce qui était acceptable devient imperceptiblement désuet, voire scandaleux.

De ce point de vue, je me sens plus matérialiste que culturaliste. Je me méfie des déterminants trop rapides, des raccourcis sur l'âme des peuples ou le poids de l'histoire. Le poids des conditions matérielles, certes: la densité de population, la richesse, la plus ou moins grande ouverture au commerce, tous facteurs qui peuvent en fin de compte évoluer très rapidement, à l'échelle de l'histoire (pour nuancer, voir mon post du 11 août). Mais aussi la situation politique au sens large: la structure des médias, la formation des élites, et, comme on l'a dit à l'instant, les orientations du discours prédominant pèse également lourd sur les mentalités qu'elles forment et déforment.
La complexité (au sens fort du terme) prédomine. Il faut s'y enfoncer, pour la comprendre.

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