dimanche 19 juillet 2009

Désinventons l'avenir: le complexe écolo-conservateur

J'évoquais dans un post précédent un principe de précaution symétrique: ne pas obérer l'avenir en mettant en place des technologies non testées certes, mais attention aussi de ne pas limiter nos options pour le futur en prenant d'excessives précautions. Un ou deux exemples: faut-il s'interdire le recours au nucléaire, ralentir la recherche en ce domaine, pour se retrouver demain en panne d'énergie de substitution, quand le pétrole se sera vraiment épuisé ou que les niveaux de carbone seront vraiment insoutenables? Autre exemple (que je connais mal): les OGM interdire la recherche sur les OGM c'est s'interdire toute une voie de subsistance dont nous (nos enfants) aurions pourtant gravement besoin demain: encore une fois, nous sacrifions le futur au présent. Nous avons décidément un rapport compliqué avec le risque!
Lisant la biographie d'Edgar Morin, je tombe sur une de ses formules (datant de 1972) appelant à une pensée écologisée. Sous sa plume, ce serait à la fois une pensée prenant en compte l'écologie, mais plus profondément une pensée du complexe, intégrant toutes les dimensions socio-anthropo-économiques: chaque action est "causée et causante" (pour reprendre Pascal, cité par Morin). Les conséquences de nos actions sont multiples, déclenchant feedback et chaînes de causalité. Elles ont des coûts directs, mais sont aussi la source d'externalités difficiles à évaluer. Bref, tout problème se situe dans son eco-système, et l'on s'y débat comme un explorateur dans la forêt vierge: plutôt que de risquer sa vie tel un Indiana Jones politique, autant rester dans son fauteuil et cultiver son jardin.
L'écologie a une forte composante conservatrice: nostalgie d'un passé rêvé, non-valorisation de l'avenir, conscience de la difficulté de l'action pure (c'est à dire aux conséquences connues, limitées et maîtrisées). José Bové meets the Economist. Soyons clair: il y a quelque chose éminemment respectable, de profondément vrai.
Les grands critiques de la société sont très largement des conservateurs, regrettant la vie rousseauiste des bois, la communauté, fuyant la grande ville. La généalogie des écolo actuels ne s'écrit pas autrement; c'est d'ailleurs pourquoi les Verts ont autant de mal à se réconcilier avec la partie progressiste d'eux-mêmes, et plus encore de la gauche post-marxiste. La Gauche se fonde au contraire sur une promesse de changement, de construction de la société, une foi dans le progrès technique. La troisième composante écolo, libérale libertaire, (Thoreau) est plus proche de la composante rousseauiste, mais tout cela a bien du mal à coexister. On y reviendra.

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