samedi 27 juin 2009

Apocalypse , part II

Je reviens sur le livre d'Hervé Juvin. Car le programme qui découle de son analyse surprend et passionne. Il diagnostique une nouvelle rareté, un grand renversement: ce qui est rare, ce ne sont plus les hommes, les savoirs, mais les ressources". Le monde tel qu'il nous a été donné disparaît. On s'attend à un discours ultra-réactionnaire, mais par une bascule étonnante, c'est l'inverse qui est dit: puisque le monde s'épuise, il faut le produire, puisque nous l'épuisons, il faut le re-créer. Cela va au-delà du simple souci d'économiser ce qui nous reste: il s'agit de mettre toute l'invention humaine dans une réinvention du monde, dans une troisième révolution industrielle, susceptible de fournir une nouvelle vague de croissance prenant le relais de celles qui s'épuisent actuellement.
La vision a de l'ampleur: il s'agit de reconstruire les dommages faits à la nature par un siècle de consommation prédatoire, ce qui déclenchera d'ailleurs des taux de croissance oubliés depuis des années. Il s'agit vraiment d'une révolution industrielle, une évolution qui va produire des biens tangibles qui vont se substituer à ce que nous avions l'habitude d'arracher au monde "naturel": de l'eau, de l'air, de la nourriture, de la nature etc.
Même si dans une grande mesure, il s'agira de substituer du virtuel au réel pour épargner celui-ci, ("convertir les pauvres à des modes de satisfaction qui réduisent leur consommation du monde"p 269)les détenteurs de biens réels reprendront le dessus sur les détenteurs d'actifs immatériels ou financiers.
On peut trouver cet élan un peu utopique, sa politique un peu confuse, avec des relents pas très heureux de despotisme éclairé, et son repli sur les territoires et leurs États sous prétexte de préservation de la diversité culturelle. Mais la vision me parait avoir un intérêt majeur: proposer une vision qui dépasse le malthusianisme, qui refuse avec netteté les politiques de la décroissance qui inspirent la plupart des écologistes conséquents. Il ne s'agit pas de revenir en arrière, mais d'aller résolument de l'avant. Il refuse la vision "d'un conflit global entre l'évolution technique et la survie de l'humanité", bien au contraire. Il faut mette la force de la technique qui défait et détruit au service de la construction, la renverser contre elle même, en quelque sorte.
On est en plein religieux: c'est une conversion qu'on prêche, celle du Rodrigue du Soulier de Satin dont"l'affaire (...) n'étant pas d'attendre mais de conquérir et de posséder... S'il désire le mal, que ce soit un tel mal qu'il soit compatible avec le bien".
Mais c'est peut-être de cela dont il s'agit pour éviter le Déluge.

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