dimanche 14 juin 2009

White rabbits and mad hatters

En reprenant le fil: la crise actuelle est une crise de l'hyperfinanciarisation, qui est un système intrinsèquement instable et que l'on devrait pouvoir gérer, à la marge (qui ? comment?). Mais cette hyperfinanciarisation est elle-même le produit de déséquilibres sous-jacents et ne disparaîtra pas tant que ceux-ci ne seront pas résorbés.

Il faut donc tâcher de penser la sortie de cette crise plus profonde, qui est fondamentalement celle de notre rapport au temps. Nous avons perdu patience. Nous sommes en train de tirer des traites sur l'avenir: explosion de la dette, surexploitation des ressources naturelles, démission démographique. Pour les babyboomers qui nous gouvernent, c'était "après moi le déluge" (pas de chance, il est en train de nous tomber dessus!) - tout cela est dit, redit, ressassé dans ce blog notamment (même s'il faudra revenir sur l'aspect développement durable, pas assez présent).

Fondamentalement, notre taux d'intérêt long terme positif signifie que nous préférons le présent et la jouissance immédiate au futur. Quel est le taux d'intérêt réel qui déterminerait la culture des grands arbres (grand pin du nord, tek, ou chêne de nos forêts)? Qui fera de la préservation des ressources halieutiques une réalité économique? Quant on s'est fixé une exigence de rentabilité économique à 15%(personne ne sait plus qui ni pourquoi on s'est arrêté à ce chiffre), la barre était trop haute. Le taux d'intérêt doit baisser pour s'aligner sur une rentabilité économique plus conforme à la moyenne historique.

A partir de là, il y a plusieurs voies. La première tourne autour d'un changement radical de nos mentalités pour réaligner notre consommation sur notre épargne, c'est à dire pour sortir de l'économie du désir et de la satisfaction immédiate. Hmmm... à voir.

La seconde met ses espérances en un pouvoir supra individuel, une régulation venue d'on ne sait où et qui imposerait des pratiques plus conformes à ce que l'on estimerait l'avenir de la planète. Pourquoi pas, mais comme le disait à ce propos Montaigne: La façon dequoy nos loix essayent à régler les foles et vaines despences des tables et vestements, semble estre contraire à sa fin. Le vray moyen, ce seroit d’engendrer aux hommes le mespris de l’or et de la soye, comme des choses vaines et inutiles; et nous leur augmentons l’honneur et le prix, qui est une bien inepte façon pour en dégouster les hommes; car dire ainsi, qu’il n’y aura que les Princes qui mangent du turbot et qui puissent porter du velours et de la tresse d’or, et l’interdire au peuple, qu’est-ce autre chose que mettre en credit ces choses là, et faire croistre l’envie à chascun d’en user."

La troisième voie modifierait radicalement la préférence par le présent en revenant à des taux d'interêt long terme faible voire négatif. Comme on ne peut pas baisser les taux nominaux, il s'agit bien d'agir sur les taux réels par une inflation très substantielle. Il me parait clair qu'un débat va (et doit ) s'ouvrir à ce sujet. Un combat politique va s'ouvrir entre des intérêts (économiques, démographiques) et des points de vue (idéologiques au sens noble du terme) divergents: entre les partisans d'un combat vigoureux contre l'inflation, ce qui passera aussi par des taux d'intérêt de court terme assez elevés, et une croissance molle, avec des déséquilibres persistant à moins d'un ajustement réel ou le recours à l'une des deux voies citées plus haut et les tenants d'un ajustement par l'inflation (moins pénible que les ajustements réels, mais avec de graves inconvénients lui aussi).

Dans ce débat, la Chine et l'Inde ne resteront pas absents, car ils craignent l'inflation et peuvent vivre avec des taux élevés, car leur immense masse de travailleurs bon marché (l'"armée de réserve) supplée pour l'Inde et la Chine à la nécessité de disposer de capital bon marché pour leur développement.

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