dimanche 6 juin 2010

Le Juif Errant n'existe pas

Lecture passionnante du livre de Shlomo Hand: Comment le peuple Juif fut inventé?
La thèse est provocante: le monde juif n'a pas de réalité ethnique, ni avant la chute du temple aux temps bibliques, ni dans le cadre de la diaspora.
Elle se décompose en plusieurs arguments: le peuple d'Israel, en tant qu'il descend d'Abraham et de Jacob est un mythe et ne recouvre aucune réalité politique avant les Macchabées. Le royaume de Salomon est mythique, tout autant que celui d'Ulysse ou d'Agammemnon. La bible est un récit mythique, tout comme l'Iliade ou l'Odyssée nous parlent d'un passé grec révolu et raconté. La religion judaïque se constitue durant l'exil babylonien, les mythes cananéens se cristallisant au contact du monothéisme persan. Le récit biblique mythique est mis en forme par Esdras et Néhémie comme Hesiode ou Homère ont mis en forme la mythologie hellène - plus tardivement que Finkelstein et Silbermann ne le pensent.
En second lieu, qu'est-il advenu au tournant de notre ère? La religion juive a connu un très grand succès, répondant aux angoisses des peuples de l'Empire Romain, convertissant les individus par milliers - en concurrence avec d'autres espérances (on songe au culte de Mithra... et au christianisme). Les juifs d'aujourd'hui sont les descendants de ces convertis, les juifs d'Afrique du Nord des berbères et les askenazes peut-être des khazars des rives de la Caspienne. Quant aux juifs de Palestine, ils sont restés sur place (pas de trace de baisse de la population après la chute du Temple), ils se sont convertis au christianisme... puis à l'Islam. Les Palestiniens sont donc les vrais produits de la terre d'Israel.
Dans ce schéma, il n'y a donc pas d'ascendance commune entre les Juifs, mais une culture partagée, dont la racine commune est la Torah, rien d'autre.
Les fondateurs sionistes d'Israel étaient donc confrontés à un dilemme. L'unité du peuple qu'ils rassemblaient ne pouvaient être raciale, ils ne souhaitaient pas qu'elle fusse uniquement religieuse. C'est ce dilemme qui rend l'identité israélienne difficile.
Le livre a connu un grand retentissement, en Israel et aussi un peu en France. Il a été vertement critiqué, sur le mode: rien de nouveau, nous savions déjà tout cela, il n'y a pas d'identité raciale, il n'y a pas d'unité culturelle hors de la religion, la culture israélienne est neuve par rapport à ce qui la précède. Tout de même, que de sujets de réflexion par les temps qui courrent...

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