Lu dans le Monde du weekend dernier dans la chronique du (très cool à en juger par la photo) P.A. Delhommais une analyse à première vue convaincante: "En 1920, une famille américaine moyenne affichait une épargne de 1 232 dollars (convertis en dollars 2008) et un endettement de 4 368 dollars, soit un ratio de 1 à 4. En 1960, ce ratio était de 7, de 11 en 1990, de 38 en 2000 et de 300 en 2008, soit seulement 392 dollars d'épargne pour 117 951 dollars de dettes. En dix ans, l'endettement des ménages américains a augmenté de 8 000 milliards de dollars, faisant plus que doubler, dont 6 000 pour les seuls emprunts immobiliers.
Ce n'est plus vivre au-dessus de ses moyens, c'est vivre indépendamment d'eux, déconnecté de toute réalité, vivre comme un millionnaire avec un salaire de smicard. Les raisons en sont connues : excès d'optimisme dans l'avenir, dans la réussite personnelle. Mais surtout des revenus comprimés par la concurrence des pays émergents et insuffisants pour pouvoir satisfaire un appétit de consommation aiguisé par une offre surabondante de produits. La crise des subprimes, c'est d'abord une défaite de l'abstinence et de la privation. Ne pas résister à la tentation de s'offrir le dernier iPod.
Si les Américains ont été des grands maîtres à dépenser et à s'endetter, les Irlandais, les Espagnols et les Britanniques n'ont eu, en Europe, pas grand-chose à leur envier. Ils en paient aujourd'hui le prix. Sans atteindre les mêmes excès, la France n'a pas été non plus un modèle de vertu. Fin 2008, l'endettement des ménages représentait 74,4 % de leur revenu disponible (10 points de plus qu'en 2005), celui des entreprises atteignant un record historique de 121,4 %.
La bulle mondiale de crédit fut elle-même gonflée par un coût du crédit excessivement faible, la boulimie d'emprunts encouragée par les politiques de taux extrêmement bas menées pendant des années par les grandes banques centrales, aux Etats-Unis, bien sûr, mais aussi au Japon, et même en Europe.
Voilà pour les causes : trop de dettes et des taux trop bas." (http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2009/05/23/soigner-le-mal-par-le-mal-par-pierre-antoine-delhommais_1197145_3208.html) . Delhommais fait la critique du dernier livre de P. Artus qui tirait dejà une sonnette d'alarme en 2005, il faudra y revenir).
Mais à la réflexion, cette analyse manque plusieurs aspects cruciaux:
- la dérive de l'endettement est un phénomène de longue durée dont il faut rendre compte en tant que tel; il faut mesurer son accélération, son timing et ses causes.
- les revenus étaient ils "comprimés", ou bien mal repartis, ou encore en croissance limités en déphasage avec l'explosion du désir immédiat
- la politique de taux faible incriminée est peut-être un faux coupable, le fait historique majeur étant plutot la période de taux d'intérêt réel positif que nous avons vécue depuis 1980.
Je trouve plus éclairante (et "cassandresque") le simple rappel de théorie économique trouvé dans un livre récent de Jeffrey Sachs dans un contexte de reflexion sur le developpement durable (en l'occurence les ressources halieutiques): "if the value of the resource is likely to grow more slowly than the market rate of interest, the blaring market signal is to deplete the resource now and pocket the money! since the market rate depends ultimately on the saving decisions and preferences of the current generation alone, wihtou any voice of the future generations, the market rate of interest can give the signal to deplete the resource at the expense of future generations. When the current generation is impatient, that is, it place a high value on current consumption relative to future consumption, the market interest rate will tend to be high and the market signal transmitted to each individual resource owner will deplete the resources under the owner's control. In essence, there's a tyranny of the present of the future".
CQFD
PS du 2 juin: dans le Figaro Eco de ce jour Jean-Pierre Robin offre une analyse proche de ma petite théorie portative, qui semble s'insérer dans un courant de plus en plus large. J'y reviendrais.
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