mercredi 27 mai 2009

keynes, schumpeter et les chinois

Mme B, de Paris 16eme nous ecrit: l"a crise que nous traversons n’a rien de financier mais est avant tout le naufrage d’un modèle industriel ou le partage capital/travail évoluant au détriment du travail . L’endettement a été le seul facteur de soutien au modèle de la consommation…. Relisons Schumpeter…. "

Sans vouloir entrer dans des débats d'expert, je ne suis pas sur que Schumpeter aurait été d'accord! La crise n'est pas schumpéterienne, car ce n'est pas une crise de l'offre, une crise du modèle de production. Nous n'avons pas affaire à un cycle d'investissement ou à l'effet disruptif d'une grappe d'innovations majeures (ce qui était bien plus le cas dans les années 90 avec la révolution du desktop). La grande révolution technologique actuelle, celle de l'Internet et de la mobilité n'a pas de lien direct avec le Déluge. S'il y a un lien c'est à travers de la mondialisation et de l'instantanéité de la communication qui a permis l'omniprésence et l'hyperefficience des
On est presque désolé de le dire, mais c'est une crise keynesienne, une affaire de propension à épargner et à consommer. Une crise du vieux monde, d'une civilisation fatiguée et jouisseuse. Keynes est un économiste blasé, esthète cambridgien, star de Bloomsbury. Il est le représentant de l'Angleterre édouardienne, fatiguée par un siècle de révolution industrielle. Comme son ancien amant Lytton Strachey, il prend plaisir à mettre la morale victorienne cul par dessus tête. Alors que depuis des siècles l'éthique protestante prônait l'épargne et la parcimonie, Keynes joue du paradoxe et blâme la parcimonie, responsable de la sous consommation. Pour lui, l'économie est toujours sur la corde raide entre excès d'épargne et excès d'investissement, sans qu'aucun deus ex machina (et surtout pas le marché ou les taux d'intérêt) n'en vienne garantir l'équilibre.
Schumpeter, lui, est un parvenu, produit d'une Europe centrale partagée entre sa volonté capitaliste d'entreprendre et de réussir et la sophistication MittelEuropa. L'écroulement de l'empire des Habsbourg sera son déluge à lui, nourrissant le meme type de pessimisme que son grand rival, mais c'est une autre histoire...
Notre déluge à nous est bien keynésien, c'est bien un problème d'épargne et de consommation, que la génération des 50/65 ans n'a pas su ou pas voulu gérer dans un immense aveuglement.
Il y a bien sur une clé supplémentaire - et là on peut convoquer Marx à la rescousse. Les revenus du travail ont été comprimé par le déploiement de l'immense armée de réserve chinoise. On se souvient que dans le Capital, Marx explique la pression à la baisse des salaires qui viennent s'aligner sur le minimum vital par l'existence d'une masse de travailleurs sans revenus prêts à concurrencer les ouvriers mieux avantagés: chômeurs, travailleurs saisonniers, paysans sans terre etc.
A l'échelle mondiale, nous vivons un phénomène similaire à l'exode rural du siècle dernier: les paysans chinois quittent la campagne pour venir travailler dans l'"usine du monde", maintenant de faibles coûts de production et tirant ainsi les revenus du travail à la baisse. Cette analyse est, bien entendu, unilatérale, car le pouvoir d'achat s'augmente partout de la baisse des prix et la réallocation mondiale des travailleurs se traduit par une hausse globale de la productivité. Mais l'importance de l'épargne chinoise montre bien que cette hausse de la productivité ne s'est pas communiqué fluidement au reste de l'économie.

Tant que les Chinois n'utiliseront pas leur épargne, tant que les Américains n'épargneront pas plus, tant que les Européens et les Japonais ne feront pas d'enfants (ou bien n'ouvriront pas grand les vannes de l'immigration) les grands déséquilibres qui ont créé les conditions de la crise ne diminueront pas.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire