Parler de manne quand il s'agit de subventions étatiques est l'un des tics les plus agaçants du journalisme français. Au delà de l'agacement, il y a toute une vision du monde à l'oeuvre: l'argent de l'Etat vient d'ailleurs, un ailleurs surnaturel et divin. Il ne peut en aucun cas s'agir du nôtre! Ni même de celui de notre voisin: il vient du Ciel. Il est créé pour être inépuisable. Il se déverse sur les justes, ceux qui l'ont mérité par leurs tribulations et pérégrinations. A la limite, les justes se reconnaissent à ce qu'ils bénéficient de la manne. Les autres, ceux qui travaillent le sol, et gagnent leur vie par leur travail et leur entreprise, appartiennent à la caste maudite de Caïn, condamné à travailler le sol pour subsister.
Quel contraste avec la vision (disons anglosaxonne) qui identifie clairement l'argent public à celui du public, celui de la communauté. Je me souviens des critiques acerbes des syndicats britanniques craignant de voir gaspiller "the taxpayer money", ayant bien conscience qu'il s'agissait du leur, de celui de leurs adhérents. Dans la bouche de nos syndicats français on n'entend jamais parler de "l'argent des contribuables" - horrible poujadisme!! Ils seraient d'ailleurs bien en mal de critiquer leur principal moyen de substistance, tout dénués d'adhérents qu'ils sont.
Cette vision divine et bénévolente de l'Etat est l'un des traits fondamentaux de la société française, au moins depuis le Roi Soleil (toujours les mêmes registre de métaphore, d'ailleurs). L'Etat, ce n'est pas nous, c'est une figure divine, supérieure aux intérêts particuliers, omnisciente, omnipotente, toujours juste qui peut féconder le desert industriel ou ressusciter les entreprises moribondes. Qu'importe que la pluie d'or qui nous tombe du ciel nous rende grosse de désastres comme Danée grosse des Danaides.
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