dimanche 19 décembre 2010

Nouvelle Vague

Retour des Notes du déluge, avec un esprit un peu nouveau. Non que la crise qui en fut l'objet initial soit achevée: seul l'acte I est terminé, nous sommes sortis nous détendre les jambes pendant l'entracte.
Un bref résumé cependant des épisodes précédents: l'endettement massif qui avait entretenu l'illusion de la prospérité sans effort s'est transmis des particuliers au système financier privé (l'enrichissant massivement au passage), puis aux États. Les banques centrales les soutiennent dans un grand mouvement d'innovation. Le centre de gravité de l'économie monde a basculé durablement sur les bords du Pacifique. Le monde occidental est gravement affaibli, hésitant entre Peron et Thatcher. La France est encore dans l'illusion pratiquement complète.
Le système financier a été peu, insuffisamment reformé, à la fois par la résistance des principaux concernés, et parce que les raisons structurelles de ses dérives n'ont pas disparues. Les quelques mesures pour prevenir le retour d'une crise systèmique ne paraissent pas à la hauteur de lenjeu (et la prochaine vague ne viendra sans doute pas des banques, ou pas comme la dernière fois).
La question n'est donc pas de savoir si une nouvelle crise se produira et si elle sera plus violente que celle de 2008 mais quand, et est-ce que les sociétés occidentales pourront s'en sortir correctement.

samedi 26 juin 2010

L'eau du bain

Le problème de l'eau, c'est le sel. L'eau douce ne représente que 2.5% de l'eau présente sur la planète, et un tiers seulement est disponible, sous forme de nappes phréatiques ou d'eau de surface.

On l'a tous appris, l'eau douce s'écoule vers la mer quand elle ne s'évapore pas. Les nappes phréatiques sont rechargées par la pluie. Si l'usage et l'évaporation sont plus rapide que la recharge pluviale, le système se déséquilibre en un immense marais salant... sans même évoquer la mauvaise répartition géographique des usages et des pluies. L'usage de l'eau est donc à surveiller.

Mais cette veille et cette sur-veillance ne sont pas sans problèmes.
Il faut en premier lieu savoir de quoi on parle et aller aux faits. Les usages domestiques et industriels ne représentent que 7% du total, 93% allant à l'agriculture, selon un dossier récent de The Economist - donc peut-être 2 ou 3% pour les usages domestiques. Il est symptomatique de Une rapide recherche donne des resultats assez différents: l'article de Wikipedia parle de 15% (mais ne propose pas de repartition totale), tandis qu'un article publié par John Hokins University parle de 8% (contre 69% à l'agriculture et 23% pour l'industrie).
Mais l'essentiel des publication est consacré aux soit disant surconsommation d'eau domestique:il est beaucoup plus interessant d'économiser l'eau des toilettes ou de culpabiliser les amateurs de bains, condamnés à des douches spartiates.
Trop souvent, l'écologisme détourne des faits réels, en économisant la véracité, pour introduire un discours moralisateur et autoflagellant - au risque de provoquer un retour de baton et la négation de problèmes graves -celui de l'eau en l'espèce.
Les integristes détournent de la religion.

dimanche 20 juin 2010

L'Etrange Défaite

Au risque d'un raccourci facile, la défaite des Bleus un 17 juin donne à penser. Il y a du Gamelin dans Domenech. L'autisme hautain de l'équipe de France et de son encadrement rappelle celui qui présida à l'étrange défaite, pour reprendre le titre de M. Bloch.
Celle-ci n'arrive pas sans s'être annoncée. Sans évoquer les blagues graveleuses qui circulent sur le Net, la tolérance face à la tête de Zidane, à la main d'Henry, ont permis les écarts d'Anelka et consorts.
L'élimination de la Coupe du Monde a au moins le mérite d'être claire et publique, comme le fut le coup de semonce de la dette pour les Grecs. Quel sera l'évènement, on l'espère moins tragique que ceux du printemps 40, qui produiront le même effet sur la conscience publique française?

samedi 19 juin 2010

Jeux sans Frontières (2)

Dans le circuit de l'économie nationale, rien ne se perd, ni se crée. Les joueurs s'endettent, le banquier rafle la mise. Mais quand le banquier s'endette, il faut que les joueurs remettent au pot. Les poches vides, ils doivent rentrer et aller gagner leur vie.

C'est l'état des économies nationales, surendettées, cumulant les déficits: la seule sortie "par le haut" consiste à trouver de l'argent à l'extérieur, classiquement à accroître leurs exportations. Là encore, deux issues, la compétitivité par l'innovation et la qualité, ou la compétitivité prix. C'est la première stratégie qui est gagnante à long terme, même si les dévaluations explicites ou cachées permettent de gagner du temps - à condition que le travail de fond soit menée, ou que les écarts de compétitivité soient limités.
C'est la sortie par le haut.

La sortie par le bas, c'est la faillite. J'ai récemment écouté un banquier de gauche, ex d'une présentatrice de télévision, nous expliquer qu'un état n'était pas comme un particulier, il ne peut pas faire faillite.
C'est type du raisonnement en vase clos, érigeant l'Etat en un souverain supraterrestre. Or les Etats font faillite, pas seulement en suspendant les paiements de leur dette, un truc vieux comme le monde... Ils se vendent par appartements, ils mettent leurs actifs au clou, ils font des plans sociaux... Quelques exemples:
- aux temps oubliés de la colonisation, les Etats donnaient en gage les revenus de leurs douanes ou du monopole des produits taxés comme le Tabac (fondation de la
Banque Impériale Ottomane, consortium franco-anglais en 1863...), idem en Tunisie etc.
-quand nous vendons des actifs de l'Etat (d'anciens locaux ministériels du Faubourg St Germain, par exemple, ou des autoroutes); globalement nous avons privatiser pour payer nos dettes, mais sans toujours utiliser le produit de ces ventes pour alléger la charge de la dette pour pour investir dans des projets rapportant plus que le précèdent rendement des actifs cédés!
- quand le sous emploi règne, que se passe-t-il? des migrations! Ce ne sont plus les capitaux étrangers qui viennent s'investir, mais le travail qui se délocalise: ainsi les jeunes qui sont partis à Londres en masse durant les dernières années. L'ajustement structurel va créer du chômage: il ne serait pas étonnant que les Grecs viennent chercher du travail dans les pays plus dynamiques.
On le sous-estime toujours, vu d'ici: le monde a toujours été, et sera de plus en plus, ouvert, ouvert à tous les vents. Les capitaux bougent, mais les hommes aussi. Ce sont eux qui trouvent la sortie.

samedi 12 juin 2010

L'autre politique

Il faut l'avouer, depuis la crise grecque, les Notes du Déluge n'ont pas été fidèles à leur ambition, se laissant aller à un libéralisme implicite et inarticulé.
Rien n'est pourtant évident dans ces affaires (dans un récent sondage international, 50% des économistes prévoient une déflation, l'autre moitié annonçant une poussée d'inflation...),et pour bien comprendre les débats, il faut comprendre l'"autre politique".
A la suite de Keynes, elle ne croit pas en l'équilibre automatique de l'économie. Elle aurait plutôt tendance à croire que l'économie s'équilibre à la baisse, en sous-emploi, sans intervention d'un acteur extérieur... qui ne peut être que l'Etat. Il faut relancer, relancer sans cesse une machine qui menace toujours de tomber en panne. Il faut relancer aujourd'hui car "à long terme, nous serons tous morts". Avec le développement de l'économie, il y a sans cesse plus d'épargne, qui alimente un investissement croissant, lequel ne rencontre pas une consommation aussi dynamique (l'épargne croit plus vite que la consommation). Plus on est riche, plus on épargne. Il est donc bon de taxer les riches pour diminuer l'épargne nationale en la réorientant soit vers la consommation soit des investissements moins (immédiatement) productifs. On voit pourquoi la gauche a canonisé Keynes!
Pour les tenants de l'autre politique, les déficits sont doublement un faux problème:
1- les déficits proviennent d'une insuffisance de la recette publique, elle même due au sous-emploi et à la croissance trop lente. Avec une relance convenable viendraient le retour de la croissance, la réduction du chômage et donc une résolution naturelle, à taux de prélèvement constant, du problème de la dette et du financement des retraites.
2- il n'y a aucun inconvénient à taxer davantage les riches; il faut revenir à des taux d'imposition marginaux tel qu'on les a connus dans les années 70, alors qu'aujourd'hui l'essentiel du prélèvement pèse sur les classes moyennes inférieures ( le poids combiné de la TVA -faiblement progressive- et des cotisations sociales - faiblement plafonnées).
L'intervention de l'Etat est naturellement essentielle, puisque les marchés ont fait la preuve de leur incapacité à allouer correctement les ressources. Il faut donc les punir et mettre en oeuvre une politique active d'intervention économique. L'endettement n'a pas vraiment de limite objective, il n'y a pas de raison de se soumettre à des diktats arbitraires de ces marchés myopes et spéculateurs.
Les déficits extérieurs ne sont pas non plus un problème en tant que tels car ils sont largement dus à un déficit de politique économique volontariste. Le problème n'est pas la compétitivité prix mais la mauvaise spécialisation de l'économie, qui va concurrencer les pays émergents sur leur terrain, alors que l'Allemagne peut se permettre des coûts du travail élevés parce qu'ils sont spécialisés sur des créneaux moins concurrencés, à plus forte valeur ajoutée.
Il faut bien méditer la cohérence de cette autre politique.

Jeux sans frontières (1)

Un lecteur attentif suggère une dévaluation pour nous sortir de l'impasse relance/surendettement. C'est exactement ce qui vient de passer avec la baisse de 20% de l'Euro contre le dollar et les monnaies qui lui sont liés (dont le yuan).

Mais attention, la conséquence classique d'une dévaluation, c'est l'inflation, puisque les prix des marchandises importées augmentent en proportion (à commencer par les produits pétroliers, au total 50% de nos importations ne sont font pas en euro). De l'autre coté, la hausse des exportations (qui peut tirer la croissance et financer le budget) passe par des gains de part de marchés. Or on sait tous que les prix ne sont pas les seuls facteurs de gain ou de perte de parts de marché: la qualité, la spécialisation (le degré d'innovation, l'expérience cumulée), la force commerciale jouent au moins autant - et c'est d'autant plus vrai que la concurrence dont il s'agit ici se situe hors zone euro (un tiers de nos exportations), c'est à dire avec des pays dont les coûts sont largement inférieurs de 20% au notre (plutôt un facteur 1 à 4 voire 1 à 10): concrètement, ce n'est pas une baisse de l'euro qui fera revenir l'industrie textile à Roubaix - par contre, elle peut faire se déplacer une partie des approvisionnement chinois vers le Maroc ou la Tunisie, pays plus proches et liés à l'Euro ou provoquer des réorganisations à l'intérieur des entreprises.
La sortie "vers le haut" que tout le monde appelle de ses voeux est donc assez claire: il s'agit de gagner des parts de marchés en dehors de la zone euro:plus facile et moins long à dire qu'à faire... On n'a pas le sentiment de vivre dans un pays tout entier orienté vers la compétitivité au long cours!

dimanche 6 juin 2010

Le Juif Errant n'existe pas

Lecture passionnante du livre de Shlomo Hand: Comment le peuple Juif fut inventé?
La thèse est provocante: le monde juif n'a pas de réalité ethnique, ni avant la chute du temple aux temps bibliques, ni dans le cadre de la diaspora.
Elle se décompose en plusieurs arguments: le peuple d'Israel, en tant qu'il descend d'Abraham et de Jacob est un mythe et ne recouvre aucune réalité politique avant les Macchabées. Le royaume de Salomon est mythique, tout autant que celui d'Ulysse ou d'Agammemnon. La bible est un récit mythique, tout comme l'Iliade ou l'Odyssée nous parlent d'un passé grec révolu et raconté. La religion judaïque se constitue durant l'exil babylonien, les mythes cananéens se cristallisant au contact du monothéisme persan. Le récit biblique mythique est mis en forme par Esdras et Néhémie comme Hesiode ou Homère ont mis en forme la mythologie hellène - plus tardivement que Finkelstein et Silbermann ne le pensent.
En second lieu, qu'est-il advenu au tournant de notre ère? La religion juive a connu un très grand succès, répondant aux angoisses des peuples de l'Empire Romain, convertissant les individus par milliers - en concurrence avec d'autres espérances (on songe au culte de Mithra... et au christianisme). Les juifs d'aujourd'hui sont les descendants de ces convertis, les juifs d'Afrique du Nord des berbères et les askenazes peut-être des khazars des rives de la Caspienne. Quant aux juifs de Palestine, ils sont restés sur place (pas de trace de baisse de la population après la chute du Temple), ils se sont convertis au christianisme... puis à l'Islam. Les Palestiniens sont donc les vrais produits de la terre d'Israel.
Dans ce schéma, il n'y a donc pas d'ascendance commune entre les Juifs, mais une culture partagée, dont la racine commune est la Torah, rien d'autre.
Les fondateurs sionistes d'Israel étaient donc confrontés à un dilemme. L'unité du peuple qu'ils rassemblaient ne pouvaient être raciale, ils ne souhaitaient pas qu'elle fusse uniquement religieuse. C'est ce dilemme qui rend l'identité israélienne difficile.
Le livre a connu un grand retentissement, en Israel et aussi un peu en France. Il a été vertement critiqué, sur le mode: rien de nouveau, nous savions déjà tout cela, il n'y a pas d'identité raciale, il n'y a pas d'unité culturelle hors de la religion, la culture israélienne est neuve par rapport à ce qui la précède. Tout de même, que de sujets de réflexion par les temps qui courrent...

samedi 29 mai 2010

Le furet

Les particuliers se sont endettés pour vivre au dessus de leurs moyens sans épargner assez pour leur retraite. Les banques les ont financés, tout en prenant des risques accrus pour assurer leur rentabilité. Les États les ont sauvés. C'est de la cavalerie à l'échelle mondiale.
La dette des particuliers a été transférée des banques aux États, qui se retrouvent dans des situations impossibles. Ce qui permet aux ultras des marchés de revenir à leur rengaine anti-étatique, en oubliant très vite qu'ils doivent d'avoir sauver leur peau à ces mêmes États....
On est partagé: les États ont sauvés les banques, difficile de leur reprocher. Mais n'ont ils pas contribué fortement à l'endettement initial des particuliers en s'abstenant de prende les mesures courageuses qui auraient permis un équilibre des finances prives, comme publique (par exemple un financement adéquat des recette, ou un travail systématique sur la productivité/ compétitivité internationale)?
Le welfare state a survécu à sa faillite par l'endettement, qui a produit une sorte d'Etat providence pour la classe moyenne, y compris dans les pays soi-disant les plus libéraux. Le poids de la partie faiblement productive de l'économie (administrations, mais pas seulement) pése sur le secteur privé, qui doit donc être hyperproductif pour soutenir l'envie de consommer et le besoin d'épargner. mais l'argent des investissements productifs est parti dans l'immobilier!
En dernier ressort, les choses sont simples: c'est l'essor des économies du pacifique qui a provoqué ces bouleversements, cet excès d'épargne combiné à une pression à la baisse sur les prix -entre 1992 et 2007. Aujourd'hui, on assiste au basculement: la croissance, l'argent, tout se passe en Asie. Si on arrive à vendre à la Chine, nous avons une possibilité de sortir de ces impasses par le haut. Sinon, c'est l'(hyper) inflation ou un déclin à la japonaise, voire à l'Argentine.

samedi 22 mai 2010

L'équation de la dette

Les chiffres volent, comme des injures. Sans fondement apparent.
On sait bien, depuis Goethe et Heidegger, que,nous,Européens, sommes nés dans le berceau de la Grèce. Sera-t-elle notre tombeau? Ou cette même raison née du printemps hellène pourra nous guider et nous aider à cheminer dans ce monde complexe. Une raison mathématique (c'est bien çà, la vraie révolution de Pythagore et Platon: l'être s'écrit en symboles mathématiques).
Posons donc quelques équations: si la dette d'un pays est égale à son PIB, le taux d'intérêt sur cette dette représente un prélèvement équivalent à son taux. L'augmentation en valeur du PIB (augmentation réelle plus inflation) sert alors en totalité ou en partie à rembourser l'emprunt. Si ce remboursement est supérieur au taux de croissance le pays s'appauvrit et diminuer ses capacités ultérieures de remboursement. On peut tolérer un faible taux (disons 3%, facilement couvert par une croissance à 2% et une inflation à 2%), ou un faible endettement (disons 60%, ce qui avec un taux à 3% entraîne une charge de la dette de 2% (= 60% de 3%); Mais à 100% de dette et 4% de taux d'intérêt, c'est la totalité de la croissance qui disparaît.
Si la dette est détenue à l'étranger, c'est la nouvelle richesse produite qui s'en va. Si la dette est détenue par des agents domestiques (comme au japon), ce sont les actifs qui subventionnent les créanciers (les retraités, les rentiers).
C'est mathématiquement intolérable.

La porte etroite... pas pour les fils d'instit.!

L'article d'E. Le Boucher, repris dans Slate (http://www.slate.fr/story/21799/editer-le-boucher-les-echos), conforte une note des mes post précedents: un élève de l'X sur deux a au moins un parent prof. Je le savais déjà pour l'écrasante majorité des normaliens - chez qui la notion de l'entreprise a régressé depuis 30 ans! Je crois l'avoir noté: plus d'un quart des élèves de prépa a un parent prof.
Que veut dire "élitisme républicain" dans ce contexte? Je préfère une affirmative action en direction des plus courageux des enfants des ghettos que ces futures générations de fils de prof.

vendredi 14 mai 2010

samedi 8 mai 2010

Don't cry for me argentina

La situation de l'Europe, de la Grèce, mai aussi plus subtilement dela France est etrangement réminiscente de celle de l'Argentine après 1930. Ebranlée par la crise, l'Arrgentine a refusé les adaptations nécessaires. Riche culturellement, elle s'est appauvrie économiquement, au rythme du tango. Bientôt le populisme plus ou moins violent est arrivé, glorifiant une tragique resistance au changement.
Aubry ou Merkel sont confrontées à un choix: devenir Evita ou Thatcher.

samedi 10 avril 2010

Un bon coup d'inflation?

Pour approfondir le post précedent, je suis maintenant sceptique sur les chances sociales et politiques d'un retour de l'inflation. Encore une fois, c'est la politique intergénérationnelle qui me paraît déterminante. L'inflation est tolérée voire voulue par le corps social quand les forces qui le dominent y trouve leur compte, en l'occurrence des titulaires nets de dette non indexée dont les revenus peuvent suivre la hausse des prix. Ce fut le cas des actifs entre 1960 et 1980. L'Etat, qui a le plus souvent intérêt à voir sa propre dette diminuer a pu emboîter le pas.
Ce n'est plus autant le cas aujourd'hui. La génération dominante est à la retraite ou bien la prépare, avec des revenus susceptibles de ne pas suivre l'inflation (on se souvient de la tonte massive des rentiers entre 1914 et 1930, puis 1945-1980). Les actifs sont moins nombreux, moins engagés politiquement. Une partie de leur endettement est à taux variable. Plus fondamentalement, la situation mondiale de sous-emploi leur fait courir le risque de ne pas voir leur rémunération progresser plus vite que les prix (surtout si l'on prend en compte la part psychologique, évidente en France où domine la perception d'une baisse du pouvoir d'achat en dépit des statistiques témoignant du contraire).
Les États ont, plus que jamais, intérêt à se sortir de son sur endettement par un "bon coup d'inflation", mais ils risquent de ne pas trouver assez d'appui en interne pour s'y engouffrer. La pensée économique dominante depuis 1979 a été ébranlée par la crise, mais elle a de beaux reste, ne serait-ce que parce qu'elle s'appuie sur des réalités générationnelles qui ne changeront que lentement. Il n'est qu'à voir le tollé provoqué par l'opinion pro-inflationniste des économistes du FMI pour s'en convaincre.
Tout cela vaut clairement pour les sociétés dites avancées. Il faut voir quel est l'intérêt des économies émergentes, à commencer par la Chine, qui sont les grandes gagnantes de la crise.
Elles peuvent provoquer l'inflation par leur appétit de matières premières. Il me semble également que la pression à la baisse des prix exercée par les exportations chinoises me paraît se ralentir (les coûts augmentent vite en chine et l'armée de réserve de l'intérieur est moins nombreuse, relativement à la côte).Mais le fait qu'elle soit massivement créditrices (un paradoxe historique) me paraît être un frein. C'est sans doute là que se jouera le basculement ou non dans une nouvelle Grande Inflation.

mercredi 31 mars 2010

Inflation

A la reflexion, et contrairement à ce que j'ecrivais dans un vieux post, les facteurs sociaux d'un retour de l'inflation sont minces: les baby boomers n'y ont pas intérêt, et les classes laborieuses, endettées, qui l'avaient soutenu dans les années 60/70 ne sont pas sûrs de leur coup. L'inflation ne réduit pas les dettes, elles en diminue la charge si les revenus suivent les prix. Ce lien n'est en rien garanti (sans parler du facteur fiscal, qui peut jouer, selon le bon vieux Ricardo).
L'Etat peut penser autrement, mais peut-il agir quand les groupes qui le composent sont divisés?
Pour une thèse contraire, voir le post d'Alain Sueur sur l'interessant blog Fugues et Fougues, http://argoul.blog.lemonde.fr/2010/04/06/aurons-nous-inflation-sans-croissance-par-alain-sueur/#xtor=RSS-32280322

samedi 13 mars 2010

La porte étroite (suite du post du 27 février)

En essayant de poursuivre l'analyse sur le rapport en offre de bacheliers et demandes de cadres, j'ai eu du mal à trouver des statistiques sur les grandes Ecoles- ce que je trouve en soi significatif. Un bloggeur plus chanceux ou disposant de plus de temps développe une réflexion parallèle: http://www.les-cercles.fr/economie/economie-societe/societe/1462-demagogie-francaise-et-grandes-ecoles.
Il est par exemple difficile de suivre l'évolution de longue période des admissions à HEC. On en est réduit à trouver quelques points isolés pour tracer une évolution que l'on voudrait plus précise. Par exemple, la promo 1967 comptait 288 élèves, soit 0,30% des bacheliers (séries "générales") de 1965, tandis que la promo 2009 comptait 388 français (+ 77 étrangers), soit 0,13% des bacheliers des mêmes séries. Le concours est donc 3 fois plus sélectif. La taille de la promo a cru de 34%, quand la demande en cadres supérieurs a au minimum doublée, voire triplée dans les dernières années. Rappelons qu'il y a quelques centaines de polytechniciens et près de 20 000 élèves du MIT.

La sélectivité accrue n'est pas négative en soi, même si elle peut faire débat. On peut considérer que ce n'est pas le rôle des institutions premières que de répondre à la demande. Les autres écoles sont là pour répondre à la demande - d'où la floraison d'écoles de commerce de second voire de troisième rang depuis 30 ans, écoles dont la qualité est tout à fait réelle. Il faut donc élargir la focale. On regarde donc l'ensemble des classes préparatoires, en faisant par commodité l'hypothèse que l'ensemble des élèves trouvent place dans au moins une école - même si on sait que ces classes servent aussi de propédeutique pour contourner les premières années de l'université. Il y a en 2009 environ 220 000 élèves de Grandes Ecoles, soit 70 000 environ par promotion. CQFD.
L'explosion est forte: moins de 10 000 élèves en prépa avant 1950, une vingtaine de milliers dans les années 60, 55 000 vers 2000 et pas loin de 80 000 à la rentrée de 2009. Mais cette explosion est grosso modo parallèle à la demande: un peu moins de 20% des bacheliers en 1960, à peine plus dans les années 90. Elle recouvre d'ailleurs une progression importante... des filles dans les études post-bac.
Le nombre d'élève de prépa représentait 30% de la demande de cadres sup. Ce chiffre est à peu près identique en 2006. C'est qui peu. Il faut donc considérer que les Grandes Ecoles ne forment qu'un cadre supérieur (yc prof. libérales) sur 6.
On est au coeur d'un certain malthusianisme, d'autant que la proportion de fils de cadres supérieurs dans les prépas est 4 fois plus forte que dans la population générale. 60% des élèves sont issus des classes supérieurs ou de parents enseignants (un bachelier inscrit en prépa sur 4 a une mère enseignante!).

vendredi 5 mars 2010

Prédictabilité

Les Notes du Déluge ne se refusent pas quelques petites satisfactions, fut-ce au prix de la modestie qui naturellement leur sied.
Les plus fidèles se souviendront peut-être des premiers post et en particulier de la "petite théorie portative" qui faisait le lien entre le Déluge et le départ à la retraite des premiers baby boomers. L'aspect générationnel (les causes démographiques) de cette crise relève du lieu commun - mais, comme les meilleures théories en science physique, cette petite théorie se voit vérifiée empiriquement.
Une étude de la Barclays montre une corrélation étroite entre la valorisation des actions et la proportion de la population agée de 35/54ans dans la population totale. Les mauvaises performances de la bourse depuis 2000 s'expliquent ainsi (tout simplement parce que les gens commencent à liquider leurs actifs en vue de la retraite). Et cela va durer un certain temps...

mardi 2 mars 2010

Les marges inondées

Comme un triste écho à mon poste du mois dernier, voilà que la mer a recouvert des terrains qu'on lui avait arraché et les maisons qui les couvraient.
C'est le sort des marges, d'être occupées puis désertées. C'est la vie même des sociétés, ces flux et reflux - et le degré d'occupation des marges signe l'ensemble. Alors que nous désertons nos espaces ruraux, la moyenne montagne et la morne campagne, nous peuplons les rivages, autrefois déserts.
PS: à lire le remarquable post de slate sur le sujet, http://www.slate.fr/story/18053/tempete-mort-ile-de-re-aiguillon-inondations-responsabilites-polemique

samedi 27 février 2010

Passe ton bac, tu seras un homme, mon fils

Les statistiques ont du bon, elles peuvent eclairer sans forcément éblouir. Pour rebondir sur le sujet délicat de l'Ecole de la république, j'ai essayé de rapprocher le nombre de cadres de celui des bacheliers des séries générales -celles qui pour le meilleur et pour le pire, sont censées former ces mêmes cadres en préparant aux études supérieures.

Mes calculs sont bricolés et donc forcèment très grossiers -il faudrait peut-être lire le livre de L. Chauvel. Ils s'en dégagent pourtant quelques tendances assez claires sur les années 1962/2000. La proportion de cadres (yc profession libérale, hors petits patrons) s'est accrue fortement (de 16% de la population active à 25% à la fin des années 70, 30% en 1990 et pratiquement 35% en 1999). La proportion des bacheliers des séries générales dans leur classe d'âge a suivi avec retard avant de la dépasser en fin de période (42% de la classe d'age en 1999).

Dans les années 60, le "besoin" en cadres (le remplacement des cadres partant à la retraite plus l'accroissement général de la catégorie) était de 50 000 cadres supérieurs, et 230 000 cadres au total. Les 59 000 bacheliers de 62 étaient tous certains de devenir "cadres sup", l'élite de la nation! Un équilibre un peu différent domine les 30 années suivantes: le besoin en cadres supérieurs couvre à peu près 60% des bacheliers - et les cohortes de bacheliers ne suffisent qu'à former que 3 cadres sur 5. En clair, le bac ouvre grand les portes du monde des cadres supérieurs, mais il faut recruter à l'exterieur, par promotion interne, pour arriver à staffer la totalité des cadres dont a besoin le monde du travail. L'ascenseur social doit fonctionner pour satisfaire la demande. D'où le sentiment que "le bac a de la valeur", mais que l'on peut réussir sans cette fameuse peau d'âne.
Dernier point important: l'accroissement du nombre des bacheliers ne pose pas de problème car il suit la montée globale du besoin d'encadrement.
Le tableau change quelque peu dans les années 90. Le besoin de cadre supérieur ne couvre plus qu'un tiers des bacheliers, rendant plus difficile l'accès à la catégorie: le bac perd sa vertu de sésame. Et le besoin global d'encadrement est entièrement satisfait par les bacheliers des séries générales, ce qui ferme de fait l'accès de l'encadrement aux non-diplômés, mais aussi aux bacheliers des autres séries (techno et pro).
La question de savoir qui a accès au bac devient donc fondamentale.

dimanche 7 février 2010

Marginal

Très beau reportage dans l'excellent XXI sur la tournée d'un facteur rural allant de ferme en ferme dans le Morvan, rare lien entre les agriculteurs à la retraite et le reste du monde. http://www.leblogde21.com/article-un-facteur-en-campagne-43819304.html. Il faudrait pourtant que la beauté des images ne détourne pas de la réflexion.

Tout est marginal et pourtant essentiel dans cette affaire. Marginale la région, au coeur du Morvan, sur des terres pauvres, à ne cultiver qu'en dernier ressort. Marginales, les populations qui y vivent encore, d'honorables retraités, veuves d'agriculteurs. De vieux souvenirs d'économie reviennent alors: la rente est le revenu de ceux qui détiennent un bien quand le prix s'aligne sur le coût marginal d'exploitation, le coût des marges. Les ressources sont rares et c'est leur utilisation à la marge qui en détermine le coût et en guide l'allocation.

Tenir la marge coûte, en consommant des ressources, en élevant les prix au centre du système. Tenir coûte que coûte la marge, c'est en priver d'autres marginaux. Notre dilemme, ce n'est plus la Corrèze plus que le Zambèze, mais le 93 avant la Corrèze!

samedi 6 février 2010

L'école de la République et le GI Bill

Tâchons de réfléchir un peu à l'histoire des Grandes Ecoles. Il faut prendre le problème à la racine, la notion même de talent. Peu importe le point de départ philosophique, la croyance en l'inné ou en l'acquis.
Si le talent est inné, il doit être réparti de manière aléatoire parmi les 816 500 enfants qui sont nés en France l'année dernière. Il est donc évident qu'il faut se débrouiller pour qu'ils reçoivent la meilleure éducation possible - soit en ratissant très large, soit en tachant de les cibler là où ils se trouvent.
Si le talent est acquis, s'il naît au sein de familles qui le transmette, la morale démocratique inviterait à séparer les enfants de leurs géniteurs pour améliorer l'égalité des chances. C'est tout le sens donné à l'Education nationale, depuis Jules Ferry et surtout depuis 1945 (plan Langevin Wallon), consistant à détacher les enfants de leur parents, de sorte que ces derniers ne puissent faire pencher la balance - c'est le complot Bourbaki des maths modernes, puis, plus récemment, la réforme de l'enseignement de la grammaire etc. Cette voie est absurde car il s'agit essentiellement d'un nivellement par le bas. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain: dans la compétition internationale du troisième millénaire, la proportion de gens talentueux et bien formés est plus déterminante que la détention de ressources naturelles, on le sait bien. Il est donc tout à fait logique du point de vue de l'efficacité économique de chercher à élargir la base de talents au delà des familles les plus favorisées. C'est l'inspiration du GI Bill, l'une des clés de la prospérité américaine des années 50/60 selon P. Drucker (possibilité offerte aux GI revenant de la guerre de reprendre des études, d'avoir des prêts à taux zéros pour se loger ou démarrer un business, ainsi qu'une option d'assurance chômage pendant un an - cette dernière disposition n'étant pas utilisée en pratique!).
Dans la polémique actuelle, la vraie discussion n'est donc pas de savoir s'il faut aider les jeunes talents, mais pourquoi et comment. Il y a certes un côté désespéré à s'attaquer au problème au dernier moment, celui de l'enseignement supérieur, comme si les maillons précédents n'avaient pas fait leur boulot. Mais ce n'est pas une raison pour que les Grandes Ecoles ne fassent pas leur boulot, qui est de continuer à éduquer et développer leurs élèves: il s'agirait de ne plus se reposer uniquement sur la sélectivité du concours mais faire en sorte que l'enseignement développe (autrement dit: éduque, fasse son travail!) réellement les heureux admis!
N'a-t-on pas tendance à confondre excellence et élitisme, élitisme et malthusianisme. Il est tout de même étonnant qu'avec une telle progression des bacheliers, le nombre d'élus dans les grandes Ecoles n'a quasiment pas varié en 25 ans. On est passé de 60 000 en 1960 à 500 000, mais il n'y a toujours que quelques centaines dignes d'entrer à l'X ou HEC. Et on peut conjecturer que l'origine sociale des reçus n'a pas du varier beaucoup entre temps, avec une sureprésentation des enfants d'enseignants et de "bourgeois".
Ce qui laisse rêveur: le principal moteur de la réussite dans le monde contemporain et dans l'entreprise en particulier me parait être la faim, l'envie constante de se prouver. Est-ce parmi les héritiers que la faim est la plus partagée? Prépare-t-on une société à affronter la compétition internationale en édifiant des remparts infranchissables autour de ses élites?

samedi 30 janvier 2010

1921 - bis

Il y a quelques temps (post du 18 août) , je faisais le parallèle avec l'état d'esprit de 1921: au sortir d'une crise rude, peu de mesures furent réellement prises pour en prévenir le retour. Mais avec la dette grecque, on est carrément transporté dans les années 20. Les Etats sont surendettés, non pas d'avoir à assumer le poids terrible de quatre années de guerre et d'inflation, mais d'un transfert massif de la dette privée dans leur compte. Il est d'ailleurs curieux de noter que les gouvernements européens sont aujourd'hui dans la position des gouvernements des pays d'Amérique Latine d'il y a 20 ans - soyons un tout petit peu patient et nous allons bientôt entendre parler du Mur de l'Argent ("the banker's ramp", disent les Anglais). L'instabilité financière, la phase maniaco-depressive de l'économie va donc se poursuivre, en attendant une résolution de la Crise - espérons seulement qu'il ne s'agisse pas d'un nouveau 29. Mais l'alternative n'est guère encourageante, sur un autre plan:la rachat de notre dette, de nos actifs et donc de notre économie par les économies excédentaires, à commencer par la chinoise.
Dans 20 ans, notre capital sera chinois, notre travail appartiendra à un tiers monde local ou extraterritorial. Que deviendrons alors les corps intermédiaires?

mercredi 27 janvier 2010

Invictus

Ce n'est certes pas le propos des Notes du Déluge de se transformer en critique de cinéma. Mais je ne résiste pas à parler d'Invictus, le film de Clint Eastwood. Je n'aurais pas pu en effet rêver plus belle illustration du point que je tentais de faire dans mon post du 19 Novembre. Un leader peut changer les choses, faire bouger les gens et non se contenter de les suivre. Qu'il utilise un grand événement sportif dans ce dessein me semble plus qu'une coïncidence, en démocratie.

dimanche 24 janvier 2010

Identité Nationale (2): Ariane, comme t'y es belle!

Certains avaient trouvé mon post sur Love Actually un peu léger. L'humeur festive qui le nourrissait aurait du m'épargner cette critique, pas complètement injustifiée il est vrai. J'ai peur de tomber à nouveau sous le coup des censeurs en proposant une deuxième réponse au délicat problème de l'identité nationale - un peu plus sérieuse, en attendant mieux (on y travaille!).

C'est évident à y réfléchir un peu plus, la culture qui rassemble le mieux les Français ces temps-ci, c'est la culture séfarade. Qui ne se reconnaît pas dans le charme blagueur de Gad Elmaleh? Qui n'a pas adopté, peu ou prou, les tics de la Vérité, si je mens? Neuilly-sud ("saint-james") est notre Kensington, le 16ème notre Notting Hill.
Beaucoup plus à l'aise avec le monde arabe que les mentalités "vieille France" ou les élites ashkénazes, elle opère comme un trait d'union entre les différentes immigrations. Dans ces aspects les plus superficiels, consuméristes voire folkloriques, dans son humour, elle forge une nouvelle synthèse qui plaît et convient bien à un pays en plein basculement vers le Sud entre les racines des deuxièmes ou troisièmes générations d'immigrés d'Afrique du Nord et l'héliotropisme de ses retraités éduqués par le Club Med d'Agadir migrant en masse vers les pavillons du Roussillon. Mais si l'on tend un peu plus l'oreille, on peut également entendre l'écho de la grande musique tolédane du 12ème siècle, au carrefour des 3 cultures, bref moment d'échange et d'harmonie. Nous aussi, nous devons sans doute protéger Maïmonide, Averroes et Thomas d'Aquin contre les assauts almohades ou l'enthousiasme vite inquisiteur du Cid.

La France a du mal à regarder son immigration en face, à la différence du New Labour, qui en avait fait un élément clé de sa synthèse: multiculturalisme, emploi et sécurité dans une Cool Britannia reconnaissant pour la première fois d'autres accents que celui de la reine à la BBC. Elle a du mal à en débattre -elle à du mal à débattre de quoi que ce soit, ces temps-ci.
Cette nouvelle synthèse est pourtant inévitable car l'immigration en tant que fusion des peuples est inéluctable, la créolisation une donnée permanente de l'histoire. Notre créolisation, c'est avec l'Afrique du Nord (et peut etre l'Afrique tout court) qu'elle va s'opérer. La culture séfarade nous en donne un aperçu, un avant-goût. Et ce n'est pas par hasard que le première petit-fils de Sarkozy s'appelle Solal!

samedi 23 janvier 2010

Bonjour M Rueff

Je pensais que le nom et la pensée de Jacques Rueff avaient disparu dans l'empyrée des économistes libéraux, quelque part au dessus du Léman, en priant pour que le grand retour au keynésianisme ne trouble sa tranquillité. Mais de récentes réflexions sur le lien entre changes flottants et prix des actifs semblent réveiller ses mânes.

L'argument est le suivant: une fois la contrainte d'un stock d'or forcement limité sur les finances publiques, les deficits exterieurs n'ont plus de correctifs et nourrissent le développement de bulle via l'explosion de la monnaie et du crédit. Deux chiffres: les balances extérieures monétaires se sont accrues de 55% durant les 30 Glorieuses - et de 2000% depuis!
Pris au pied de lettre, le raisonnement est un peu court. Caricaturé, il revient à dire que si l'économie ne s'était pas développée, globalisée, elle ne se serait pas financiarisée dans les mêmes proportions, donnant naissance à des bulles spéculatives ridiculisant par leur ampleur la faillite de Law.
Mais on peut lire les choses autrement: mon cher Buttonwood conclut son blog par ces mots très Rueffiens: "too often over the last 40 years our answer has been to create new claim on wealth than wealth itself". http://www.economist.com/blogs/buttonwood/2010/01/ruffer_view. On n'est pas très loin des "faux droits" de M. Rueff.

Ce que ne pouvait imaginer le respectable académicien, c'est que les ménages du monde occidental se prendraient pour des SIMS: on se fixe un budget illimité (ou pas de budget) et on se construit la maison de ses rêves... Finalement, ce à quoi nous faisons face, c'est le début de résorption du décalage entre nos rêves et la réalité. Plus précisément, entre nos désirs de consommation et de possession, par définition éternellement inassouvis, et la réalité plus modeste de la hausse de la productivité (on n'ose plus parler de richesse réelle). La désepargne, l'endettement, l'inflation pyramidal des actifs avaient compensé pendant 20 ans. Cette époque est finie - mais le rêve n'est pas mort, et je ne serais pas surpris de voir resurgir toutes tentatives pour le ranimer.

vendredi 8 janvier 2010

Saint Vincent, François, Paul et les autres

On croise de temps à autre des Bixente, des Elen, des Herrick, en se disant que le ridicule ne tue pas. Puis on évoque l'immortel génie de Claire Bretécher, peuplant ses bandes de Bergère, de Myrtil et autres Modern.
C'est l'erreur typique de perspective du réac de base. Tout a toujours été moderne, en rupture. Les ancêtres des nos ducs portaient et portent encore des prénoms issus du francique, de l'ancien germain. Même nos saints ont des prénoms peu catholiques: pour un Paul, parlons de François ("le petit français", certes baptisé Giovanni), de Vincent, le "victorieux" etc.
Tout çà est très loin du parler de Canaan des puritains genevois ou anglo-saxons qui verra refleurir les Abraham et les Noah.
Ces saints ont créé des lignées, des traditions - qui nous semblent aujourd'hui le comble du classicisme tant le temps recouvre toutes les aspérités. Ils ont créé des ordres, dans un esprit de rupture, de conflit et d'innovation. François fuit Assise, rompt avec l'ordre établi pour créé un nouvel ordre (on pense à E.Mounier, s'insurgeant contre le désordre établi), insatisfait par l'évolution de l'ordre institué par Bernard ("brave comme l'ours" en francien). Après deux siècles, ses fratelli seront synonymes de corruption et de dévoiement de l'Eglise et Ignace s'insurgera à son tour.
Il est d'ailleurs remarquable que ces grands saints en ont appelé aux papes contre leur hiérarchie immédiate, temporelle et spirituelle, pour accomplir leur réforme. Ce sont des Innocents, des Calixtes (né Guy ou Gui, encore un prénom germanique), des Grégoires (nés Alexandre, tout çela est bien grec!) et même un Paul (mais né Alexandre) qui les ont soutenus.
Toute petite leçon de ce parcours onomastique: gardons nous d'un conservatisme de premier niveau. Il faut bousculer l'ordre établi pour en créer un nouveau. Reste à savoir qui doit s'en charger. Le danger vient de ceux qui pensent que le nouvel ordre est prévisible. La destruction de l'ordre crée le désordre, c'est à dire la vie, jaillissante, autonome, imprévisible. L'action humaine, qu'elle soit individuelle ou collective (étatique) crée l'inconnu - ce qui est fort réjouissant, tout compte fait.